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"WHITE & SEE, la stratégie du BLANC", exposition du 6 au 20 janvier 2016
Le Blanc ne serait pas une couleur ! La belle affaire. Le cliché a vécu, comme celui qui, longtemps, annonçait que la couleur elle-même n’existait pas, enfin, n’existait pas réellement comme la sensation ou le phénomène perceptif auquel nous l’assimilons aujourd’hui.
Il faut dire qu’à l’époque, et cela jusqu’au XVIIIe siècle, Dieu est partout et la couleur une substance, une enveloppe, au mieux, une fraction de lumière. En tant que substance, elle est inutile voire nuisible parce que susceptible de détourner le croyant de son chemin de réconciliation avec Dieu. En revanche, si la couleur est une fraction de lumière, c’est autre chose. Elle participe du divin puisque Dieu est lumière. L’étendre c’est lutter contre les ténèbres. Depuis, les choses ont changé. La cavalerie des physiciens a envahi le champ de la réflexion et a donné à la couleur un statut inébranlable.
En réalité, le Blanc est l’une des trois couleurs de base du système antique. Le contrepoint du rouge et du noir, en fait. Un repère historique. C’est la couleur la plus stable, la plus solide. On va dire la plus fidèle. D’aucun l’associe à l’absence, mais le plus souvent, notre imaginaire fait du Blanc l’agent de la pureté et de l’innocence voire le symbole de la lumière divine, comme le firent les souverains, tenant leur autorité du pouvoir divin, qui l’adoptèrent pour se distinguer dans les armées très colorées : ainsi sont blancs étendard et écharpe royaux, cocarde, panache et cheval de roi...
Mais le Blanc, c'est aussi la lumière primordiale, l'origine du monde, le commencement des temps, tout ce qui relève du transcendant. L'autre face de ce symbole, c'est le Blanc de la matière indécise, celui des fantômes et des revenants qui viennent réclamer justice ou sépulture, l'écho du monde des morts, porteurs de mauvaises nouvelles. Le Blanc, c’est encore la couleur de la maturité et du grand âge, celui de la barbe et des cheveux qui blanchissent. Il évoque alors la sérénité, la paix intérieure, la sagesse. Il annonce déjà un autre temps. Le Blanc de la mort et du linceul rejoint ainsi le Blanc de l'innocence et du berceau. Et voilà que le Blanc représente alors le cycle de la vie commencé dans le Blanc, passant par différentes couleurs, se terminant par le Blanc (en effet, le Blanc est la couleur du deuil en Asie, mais également dans une partie de l'Afrique).
Enjeu social majeur, la blancheur de la peau a toujours agi comme un signe de reconnaissance. Jadis, en ayant la peau claire, on se distinguait du teint halé des paysans qui travaillaient en plein air. Puis, avec la révolution industrielle, la peau blanche des ouvriers, retenus dans les usines et les ateliers, devient un marqueur social trop évident, et pour « l'élite », c'est donc le temps des bains de mer et du hâle bon teint. Aujourd'hui, à la portée de tous, le bronzage devient vulgaire. Ainsi se conjugue la nature humaine entre sentiment d’appartenance et désir inféodé au désir d’autrui… Mais, plaise à René Girard, ceci est une autre histoire !
Bref ! Voilà pourquoi le Blanc offre un rayonnement complexe et nourrit l’imaginaire. Au XXe siècle, moderne et provocateur, il a eu ses maîtres, Malévitch, Ryman, Fontana… Radical, il est peut-être le premier pas vers la couleur, ou le dernier, l’antichambre de la création. Il est la création elle-même issue d’une lumière impalpable qui n’appartient à personne et dont l’origine est une cause inconnue. Le Blanc, c’est surtout une carte donnée à une vingtaine d’artistes peintres, sculpteurs et photographes pour illustrer le thème de la première exposition collective de l’année 2016 à la galerie caroline tresca.
Jean-Pierre Delest, d’après « Le petit livre des couleurs » de Michel Pastoureau et Dominique Simonnet (Éd. Seuil)
galerie caroline tresca
14, rue Servandoni - 75006 PARIS
du mardi au samedi, de 14H00 à 19H00
T +33 (0)1 43 26 80 36
M +33 (0)6 17 19 73 57
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